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15 octobre 2014

Zemmour et Pétain : ridicule tentative de réhabilitation de l'extrème-droite française

En marge de la polémique sur le livre de E. Zemmour "Le suicide français" revient ce vieux relent d'anti-communisme et cette accusation ignomineuse :
"Les communistes furent les premiers collaborateurs et même les traîtres puisqu’ils refusèrent de combattre contre les Allemands en 39/40". 
Nous sommes ici au coeur du révisionnisme politique. On comprend que cette révision tienne à coeur à toute l'extrème-droite en quête de respectabilité et qui propose aujourd'hui une réhabilitation.
Cependant avec le recul et la documentation nous vérifions chaque jour que le premier collaborateur toutes catégories confondues c’est M. Pétain lui-même. Déjà durant la première guerre mondiale ce sinistre personnage était considéré comme défaitiste par Clémenceau, Joffre et Foch (excusez du peu). Et dès les années 20 il se rapproche des milieux d’extrème-droite en France. "Il reste influent dans le monde militaire et politique, est actif dans le mouvement antiparlementaire le Redressement français qui souhaite un exécutif fort" [1]
En 34 il est nommé ministre de la Guerre en France, magistrature durant laquelle il s’ingéniera à suspendre les travaux de la ligne Maginot notamment la section couvrant les Ardennes. Offrant dès lors aux hordes germaniques une porte ouverte, une solution peu couteuse d’invasion du territoire national. "Pétain arrête les travaux de la ligne Maginot, pensant que les Ardennes sont une barrière naturelle infranchissable par les Allemands, et estime qu’il est inutile d’équiper la France en chars d’assaut". Nommé ambassadeur en Espagne en 39 il entretient des relations fructueuses avec Franco et facilite - ce que les autorités de la Banque de France ont toujours refusé aux républicains - à savoir le rapatriement de l’or de la République espagnole au profit des anti-républicains et putschistes. En 39 Pétain refuse la proposition du président Daladier "d’entrer au gouvernement, et il se tient prudemment à l’écart des sollicitations officielles". "Pétain ne fait nullement mystère de son hostilité personnelle à la guerre contre Hitler" et "il est manifeste qu’il a, depuis le début, son rôle dans les calculs de Laval et de certains membres du complot de la paix".
Maintenant pour répondre à cette accusation contre les communistes, il faut savoir qu’ils sont informés de ce "complot de la paix" avec Hitler. En quoi consiste-t-il ? Il s’agit d’un plan de l’extrême-droite pour briser à la fois les institutions de la République et des avancées sociales du Front populaire. Pour cela Pétain et ses amis ont imaginé qu’une défaite militaire contre l’Allemagne permettrait de revenir sur les réformes de 36 et d’instaurer un régime réactionnaire et anti-communiste en France en leur faisant porter la responsabilité de la défaite. Les accords de Munich de 1938 font partie de ce "complot de la paix". Il s’agit de faire les concessions aux Nazis qui d’une part offriraient avec la Tchécoslovaquie, des usines d’armement performantes et en particulier une force de blindés qui leur manque pour leurs projets militaires ; d’autre part garantiraient "une paix des braves" avec les nazis qui se monteraient reconnaissants en les laissant gouverner le pays après la défaite prévue, avec la promesse d’un soutien français dans l’effort de guerre et la campagne contre URSS. Lorsque l'on fait allusion au traité Ribbentrop-Molotov qui justifie aux yeux des suppôts de l'extrème-droite de qualifier les communistes de "traitres" pour entente avec l’ennemi, il faut nécessairement oublier la déclaration Bonnet-Ribbentrop du 6 décembre 1938 qui forme la clé de voute de ce "complot de la paix"[2].
Sur le plan militaire il ne faut pas être sorti de St-Cyr pour constater comment le pays a été ouvert aux forces allemandes. De nombreux témoignages font état de la volatilisation du commandement devant l’avancée l’ennemie, de la route des Ardennes ouverte : le plan de sabotage et de retardement du Génie n’ayant pas été mis en oeuvre. Les seuls troupes qui pouvaient efficacement s’opposer aux petits blindés tchèques (les canons de 37 étants notoirement insuffisants et les équipages massacrés) étaient, non pas les forces blindées comme l’estiment faussement les spécialistes - dont de Gaulle - qui négligent stupidement la redoutable puissance du Flak de 88 mm, mais les groupes de canons de 75 mm. L’un de ces groupes de l'Artillerie se trouvait fortuitement sur la route de Rommel et a si bien travaillé que le brave homme a dû s’échapper de son char en flammes et courir à pied pour avertir ses divisions de prendre un autre itinéraire ! [3] Et bien ces canons de 75 si efficaces en version anti-char étaient encore pour plus de 5000 d’entre-eux dans les hangars en attendant que les allemands en prennent livraison pour la campagne en Union soviétique...
Vous comprenez que pour Pétain et ses amis après une si grave trahison de la France ce n’était plus qu’une simple formalité que de réclamer les pleins pouvoirs dans l’urgence du moment et sous de belles promesses de "rétablissement". Ensuite d’aller traquer les communistes pour les accuser de défaitisme n’était plus qu’un jeu d’enfant... qui fait toujours fureur !!! 
Derriere cette trahison inouie dans l'Histoire de France - que beaucoup tentent encore de dissimuler sous les formules lénifiantes de "pacifisme français" ou de "coup de la fatalité" - il y a surtout la livraison au bon soin de l'administration de Vichy et la déportation de miliers de citoyens juifs innocents, d'opposants politiques résistants et républicains, d'intellectuels précieux, de militaires français d'élite qui n'avaient pas eu l'heur de se joindre à la fourberie pétainiste. Des citoyens ou étrangers, des trésors d'humanité que ne protégeaient plus l'ordre civil, ni le giron généreux de la République française.
Organisée par l'extrème-droite cette trahison n'est pas le fait des communistes ou des socialistes du Front populaire comme a pu le démontrer Léon Blum au faux-procès de Riom dont il a fallu interrompre la comédie devant l'exceptionelle mémoire et documentation de l'accusé. Mais la persévérance dans cette prétention à un patriotisme au-dessus de tout soupcon de ces organisations anti-républicaines plonge désormais leurs avocats dans le ridicule.
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[1] Philippe Pétain Wikipédia 2014
[2] Commentaire de la déclaration Bonnet-Ribbentrop (6 décembre 1938)
[3] Le 6 juin 1940 à HORNOY, un groupe de canons de 75 du 72° Régiment d'Artillerie détruisit 38 chars allemands en une après-midi !