Translate

20 décembre 2006

Le dialogue des sourds : réflexions sur les aspects positifs et négatifs du marché

Sur Usenet un message intitulé : "La Ponction publique" oppose des points de vues contradictoires. L'un des intervenants écrit : "Vous posez comme première condition qu'une entreprise doit être placée d'emblée sous le contrôle de financiers.
Et là je ne suis pas d'accord.
Le rôle des entreprises est de produire de la richesse et non de créer des emplois. Et son devoir est bien de produire cette richesse, mais pour la population: et non pour des financiers."
Et ceci correspondrait à la définition de l'Economie qui précise : "...afin de satisfaire les besoins des Hommes"

A cela son interlocuteur répond : " Moi je me demande toujours pourquoi on est si opposé à l'entreprise en France, alors qu'on lui doit tout.
Le besoin des hommes, il est défini par la demande. C'est le client de l'entreprise qui exprime ses besoins. S'il achète c'est qu'il a besoin de ce qu'il achête. C'est d'ailleurs là que le travail de marketing est indispensable, qui permet de savoir si le produit sera acheté ou non.
Les intérêts financiers ne s'écartent en rien de la loi de l'offre et de la demande laquelle n'est elle même aucunement perverse. Le financier a tout intérêt à ce que le produit se vende, figurez-vous!
Le système est génial et tout se corrobore. C'est pourquoi ça a si bien marché."

Ce dernier point de vue est légitime mais reste limité à des considérations partielles sinon partiales.

En effet l'initiative/entreprise privée est un élément important de l'activité économique.
Renault ou Berliet ont commencé leur activité dans un garage et par leur génie propre - créativité et enthousiasme - avec l'aide et le travail soutenu de quelques techniciens et ouvriers, par la qualité de leur produits qu'ils sont parvenus a vendre sur le marché, ils ont réussit à agrandir leurs ateliers, à développer leur industrie.

Ici on peut évoquer la théorie de Smith sur la nécessité d'un marché où selon la loi de l'offre et la demande, les artisans et producteurs peuvent vendre des produits qui en terme de qualité et de prix correspondent à une attente, à un besoin solvable qui se traduit par une transaction commerciale et à une circulation monétaire.

Ensuite il faut se poser la question de cette circulation monétaire.
Sur la possibilité d'un enrichissement permanent des uns et des autres, les travailleurs par leur salaires et les investisseurs par les bénéfices et les dividendes. Est-ce que cette opération économique caractérisée par la circulation de monnaie est reproductible à l'identique cycles après cycles ?

C'est là que les libéraux arrêtent leur réflexion par des généralités et où toutes leur théories restent à l'état d'ébauche sans éclairer ni conclure la question.

Adam Smith lui-même imagine que plus l'activité industrielle se développe, plus le capital s'investit dans de nouvelles machines qui exigeront l'emploi de d'avantage de travailleurs. Par la répartition équilibrée par le marché des richesses produites entre le capital et le travail un cycle vertueux de travail et de prospérité doit "théoriquement" s'imposer.

Or dans la pratique ce n'est pas le cas :

1. L'extension de l'influence du marché sur tous les domaines de la société donne la priorité aux activités les plus lucratives sur les autres. L'industrie devient plus rentable que l'agriculture qui était elle-même plus rentable que le travail forcé pour la refection des routes royales. Le commerce se retrouve ainsi plus profitable que l'industrie et à terme l'activité financière finit par drainer les ressources de tous les autres domaines ;

2. Les petites entreprises familiales ou artisanales sont concurrencées sur le marché par des entreprises de plus grosse taille qui peuvent dégager des économies d'échelle et baisser leur seuil de rentabilité, mais à leur tour celles-ci finissent ruinées par les ententes commerciales de monopole et la concurence des importations étrangères ;

3. La mécanisation et les gains de productivité n'assurent nullement l'emploi de d'avantage de travailleurs. Au contraire l'offre d'emploi tend plutot à se réduire à volume de production constant et pire encore en cas de sur-production puisqu'on aboutit à un chomage de masse ;

4. La répartition de la richesse produite par l'activité économique (agricole, industrielle, commerciale ou financière) n'est pas symétrique. Donc il s'ensuit que les travailleurs verront en fait leur salaire et leur pouvoir d'achat se réduire a mesure que la masse monétaire se concentre dans le patrimoine de quelques familles.
Ces familles s'assurent la pérennité du système qui a fait leur fortune par la conquête du pouvoir politique. Un pouvoir politique qui ne réside pas uniquement dans la fonction de gouvernement qui est la résultante d'une influence culturelle et de la prédominance d'un certain discours. Il est révélateur a ce titre que les grandes fortunes investissent systématiquement dans l'édition et le journalisme et d'autre part que l'on puisse déplorer le phénomène de "pensée unique", la rareté des forums citoyens et la pauvreté du débat public écrasé par une logique de propagande commerciale ou favorable aux intérêts commerciaux.

Le résultat d'une telle spirale provoquée par cette logique du marché est qu'on délaissera le secteur agricole et les unités de production industrielle pour institutionnaliser un vaste système commercial et financier qui, aprés avoir engloutit l'essentiel de la masse monétaire et bloqué toute l'activité économique de base, agricole, artisanale, l'industrie locale, etc. en laissant le marché aux mains de monopoles inamovibles, de "champions économiques" favorisés mais asphysiants leurs sous-traitants , finit par fonctionner à vide sur un mode purement spéculatif.

C'est en étudiant le scénario répétitif de ces crises libérales que des auteurs tels que Marx ou Keynes proposeront des alternatives.
L'un avec la politique du pire pour justement aboutir a une révolution politique et un nouveau système social, l'autre avec un esprit pragmatique cherche à relancer l'activité économique du marché en régulant le cycle monétaire par la redistribution du pouvoir d'achat via une politique sociale de hausse des salaires et de services publics.
Il n'est pas inutile d'associer ces deux auteurs puisqu'ils semblent jouer au plan de la pensée économique le même rôle connu du bon et du méchant policier... l'un persuadant par la raison ce que l'autre propose d'obtenir par la violence.

Vous pouvez penser encore que "Le système [de marché par la loi de l'offre et la demande] est génial et tout se corrobore. C'est pourquoi ça a si bien marché"... Mais en plus d'un dialogue de sourds il faudrait faire l'hypothèse nécessaire qu'au moins une des parties est aveugle.
Il est compréhensible que l'on puisse affirmer que le système marxiste ou le système keynésien ne fonctionne pas. Mais négliger d'évoquer les raisons pour lesquelles un systeme économique ne fonctionne pas, revient ici à refuser d'observer les causes et les résultats du dysfonctionnemt d'un autre.
Faire du marché le modèle social de référence c'est imposer l'idée fausse que l'intérêt général n'est que la somme d'intérêts privés et égoïstes plutot que l'ambition courageuse de réaliser un projet social selon l'idéal d'une vision humaniste et fraternelle.

En bref sur cette question il faudrait peut-être commencer par distinguer ce qu'est la société et la nation dont on cherche la prospérité économique. Dire si cette nation est souveraine en matière de politique économique et monétaire et quel est le fondement de cette souveraineté si ce n'est le gouvernement du peuple par lui-même.
Ensuite si il y a trop de fonctionnaires, trop de monopoles, trop d'inflation ou trop de chômeurs il s'agit de redéfinir le rôle des moyens techniques du marché, de la planification, de la protection douanière, de la redistribution monétaire pour déterminer quelles sont les réformes d'economie politique à mettre en oeuvre.
Dans le cas contraire le marché - libre de tout controle -, loin de jouer le role de régulateur équitable des échanges qu'on lui prête, loin de répondre à la promesse de prospérité qui a justifié son existence, devient l'instrument puissant de l'égoïsme et ne fait que détruire la société.

De la démagogie à la tyrannie : détails sur la stratégie subversive des adeptes du libéralisme commercial (1)

Les projets les plus farfelus sont mis à l'essai, d'autres offres encore plus alléchantes sont lancées comme en surenchère sur le "marché électoral" : L'un prétend imposer un "bouclier fiscal", l'autre de "payer plus celui qui travail plus", celui-ci prépare un statut fiscal dérogatoire pour l'île de St. Barthélemy, un autre encore ose lancer l'idée d'une "année blanche" où l'Etat renoncerait d'imposer les revenus pour une année...

Toutes ses promesses mises bout à bout et déplacées hors du contexte, sans informations exactes et précises sur la situation et l'environnement de la France... donnent pour le moins l'impression d'une situation économique et financière florissante, d'une liberté de manoeuvre que seule permettrait une croissance à deux chiffres de la production nationale.

Or il n'en est rien. Non seulement les cadeaux fiscaux que proposent ces administrateurs irresponsables sont impossibles à équilibrer dans le budget mais de plus les avantages supposés de ces privilèges, proches des dérogations aussi inutiles ou amorales que nuisibles de l'Ancien Régime, ne sont qu'hypothétiques et invérifiables. Cette politique fiscale d'allègement des impôts n'est aucunement basée sur une étude pragmatique, sur des faits réels et observables. Il s'agit une vision d'économiste de salon, d'une propagande d'opportuniste.

Mais il y a plus grave ! Et nous tenterons de démontrer qu'il s'agit d'une étape d'une vaste entreprise de déstabilisation menée par des intérêts financiers et commerciaux extrêmement puissants.
Une opération subversive qui vise premièrement à remettre en cause les valeurs fondatrices de la République et saper l'esprit du devoir civique inscrit dans l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés."
Une remise en cause des valeurs facile à réaliser en flattant l'intérêt égoïste du particulier pour ensuite endormir son sens du devoir, le détourner du service de l'intérêt général en stigmatisant les gaspillages et autres dépenses plus ou moins justifiées des deniers publics.
Deuxièmement en supprimant des recettes fiscales cette subversion atteint son but de mettre l'Etat en situation de banqueroute, hors de capacité à équilibrer son budget et répondre à ses engagements et obligations sans le recours a de nouveaux emprunts à des taux toujours plus relevés.

C'est cette folle logique, qui vient ruiner l'intérêt général au profit de quelques intérêts particuliers et - au nom d'une liberté sans limite - fouler aux pieds les liens sacrés du contrat social qui unissent les citoyens d'une même République, dont il s'agit de dénoncer les mensonges et de réprimer les tentatives.