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21 novembre 2006

L'Internationale libérale et Télévision : Ces longues couleuvres qu'on avale...

Ces dernières semaines le débat semble toujours verrouillé au sujet de la crise économique et des dégats provoqués par l'ouverture commerciale et financière de France.

Or une petite exception peut-être notée. Sur les ondes de la télévision française - aussi bien controlée qu'à l'époque de l'ORTF - quelques instants le couvercle a été soulevé sur le désastre économique et l'incompétence des responsables.

D'abord le 16 novembre sur le plateau de l’émission politique de France 2 avec Arlette Chabot “A vous de juger” ,
se retrouvent face à Patrick Devedjian et Arnaud Montebourg, Jean-Marie Le Pen et François Bayrou. (1)
Une phrase de Montebourg déplace le débat du baratin politicien vers les questions sérieuses : "Il y a eu au pouvoir des fanatiques du marché, qui pensaient que le marché pouvait régler tous nos problemes et bien maintenant nous en payons les pots cassés et les conscéquences..."

Quelques citoyens invités tels : Sylvie 44 ans, bac+4 au chomage, qui se demande si elle appartient au "Peuple" ou au "sous-Peuple" et demande aux politiciens "qui font entre eux de bons mots" ce qu'ils connaissent de la vie quotidienne que subisse les français.
Alors que Montebourg se plaint de la faiblesse des instruments de défense des salaires et du pouvoir d'achat face aux intérêts capitalistes. Devedjian met en cause dans le chomage français l'absence de coordination des pays européens, "12 politiques économiques différentes et contradictoires qui fait que la croissance en Europe est tres faible", sans que soit rappellé l'ingérence de la politique libérale de Bruxelles ni que nous discernions ici le rapport supposé entre la croissance et l'emploi (ou le niveau de vie des français). Le Pen assure alors "qu'll n'y a pas de thérapeutique sans un bon diagnostic". La cause du chomage réside dans l'ouverture sans controle de la France à la concurence de pays qui n'ont pas de politique sociale et de ce fait des couts de revient pour leurs marchandises plus compétitifs. 2 millions d'emplois perdus dans l'industrie et 1,5 dans l'agriculture : il faut "rétablir un filtre pour défendre le travail".

Sauveur, restaurateur obligé de vendre sa maison pour supporter et financer son activité économique, se plaint de la ponction fiscale, de l'impossibilité d'embaucher et de s'enrichir par son travail.

Charles, ouvrier dans une entreprise de mécanique automobile rachetée par le groupe américain Catalino. Départ des "investisseurs" apres vente du patrimoine et transfert des capitaux vers d'autres "investissements" aux Etats-Unis. Au bout de 15 jours, apres manifestations et le blocage de la Préfecture, 350 CRS et gendarmes puis une "médiatrice" sont envoyés par le gouvernement. "La priorité c'est avoir un emploi. Je demande au gouvernement une vrai politique industrielle..." "j'ai toujours vécu dans les Ardennes, j'ai ma maison et mes enfants je ne veut pas partir !"

Montebourg "Il y a 2 questions les patrons voyoux et l'absence de poursuite judiciaires et la question des délocalisations, la politique sociale et environnement. "On ne peut pas être pour le libre échange absolu" mais en soumettant l'activité à des normes sociales et environementales.

Devedjian "Il faut injecter des capitaux pour une vraie ré-industrialisation des Ardennes. Ce qui nous, je le crois volontiers, manque c'est une vraie politique industrielle. Dans l'industrie automobile on n'a pas prévu de changement.... Nicolas Sarkosy propose dans son programme 1 an de crédit formation..."

Le Pen " Le public doit savoir que pour ce trimestre nous avons une croissance zéro. Sans croissance, ni politique industrielle et ni politique sociale possible. Il faut retrouver les moyens de la souveraineté économique"... "il faut travailler surtout" interrompt Devedjian, "Nous ne pouvons pas le faire" lui répond Le Pen.
"Il faut concentrer nos efforts en nous occupant des francais sans vouloir révolutionner la charité publique dans le monde entier. Beaucoup de francais sont dans la misere et le désespoir, nos gouvernements surfent sur cette question assez confortablement".

Mr Bayrou... "Je ne sais pas si en 30mn personne ne peut répondre a cette question... Y aura toujours des entreprises qui ouvriront et d'autres qui fermeront. Ne riez pas ! On est en train de décrire un pays qui est dans la misere noire, il est pour partie dans la misère, mais il y a d'autre secteurs qui marchent bien... Dans ma circonscription il y a une entreprise qui fabrique 2 sur 3 moteurs d'hélicoptere qui volent dans le monde. Turboméca s'appelle cette usine. Si on ferme les frontières cette entreprise a 3 000 personnes qui y travaillent. Si ont dit que les frontières sont fermées... On vient de gagner le marché de tous les hélicoptèires des garde-cotes américains", "On exporte 25% de la production" place Devedjian . "Ca veut dire qu'une personne sur quatre travaille pour cette exportation là." aventure Bayrou.

Or le cas Turboméca outre l'intérêt de flater le sentiment de fierté française - prete semble t'il a tous les sacrifices jusqu'à la perte de sa souveraineté et son indépendance économique pour garder sa gloriole - peut être le mauvais exemple à citer.

Si M. Bayrou avait jeté un coup d'oeil aux dernieres informations il aurait appris :

1. Que l'entreprise Safran-Turboméca va doubler ses effectifs aux Etats-Unis (2)
2. Que Safran annonce la création d'une entreprise en joint-venture entre Turbomeca et AVIC II en Chine.
"Safran annonce que sa filiale Turbomeca a signé un contrat ' joint venture ' avec Beijing Changkong Machinery (AVIC II) lors du salon aéronautique Air Show China, portant sur la création de la première entreprise joint-venture entre Turbomeca et une société d'AVIC II.
Celle-ci s'appelle Beijing Turbomeca Changkong Aero-engine Control Equipment Co.
Cette joint-venture assurera le montage et les essais des ensembles hydromécaniques pour les turbomoteurs de Turbomeca et de Bejing Changkong, pour leurs marchés respectifs ', explique un communiqué du groupe. ' Elle sera située à 50 km au nord de Bejing sur le nouveau site du partenaire chinois, dans un parc d'activités de haute technologie. " (3)

Faut-il sacrifier l'industrie et l'economie francaise des 75% des travailleurs au bénéfice d'une minorité exportatrice de 25 % alors qu'à terme ces dernieres confronté à la concurence ne peuvent poursuivre leur activité qu'avec les méthodes libérales de recherche des plus bas couts fiscaux et sociaux, par les licenciements et la délocalisation ?


Ensuite dans l'émission européiste France-Europe-Express le 19 novembre dans "Les femmes au pouvoir" avec comme invitée : Christine Lagarde, championne du monde de nage synchronisée et ballet aquatique, ministre déléguée au commerce extérieur.
Au dela du papotage de commères joyeusement animée par l'inutile Christine Ockrent sur la "parité"; les "compétences" et "le réalisme" supposé des femmes nous avons pendant 10 secondes l'évocation par allusion de la question économique. Une déclaration du ministre délégué restera dans les annales à la place qu'elle mérite : "Efforcons-nous que les voix des femmes soient entendues sur des sujets réels, qui sont l'environnement, qui sont l'éducation, la question de savoir où on met la France dans le monde (la géographie?), et de quelle manière on s'ouvre ou on se ferme. Et j'espère qu'on s'ouvrira."

Tout un programme... Mais aucun chiffre n'a été avancé, aucun argument raisonable discuté et défendu. Il est clair que l'intervention du ministre du commerce extérieur a été négociée de manière à éviter les sujets qui fachent telle la question malheureuse de l'augmentation de 9,2% des importations ou des 26,4 milliards E de déficit commercial en 2005 (5). Heureusement donc qu'il y a des femmes compétentes et réalistes pour faire de la politique !

Le mot de l'émission revient donc à un homme : Serge July, qui dit a propos de la similitude entre le programme social-libéral de Ségolène Royal et de libéralisme appliqué à la société française de Nicolas Sarkozy : "...mais personne n'est dupe !".

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05 novembre 2006

Un déficit commercial est-il forcément pénalisant?

Avec la notion de déficit (ou d'excédent) commercial on touche au coeur de la question d'Economie politique.

C'est ici que vont se trouver vérifiées ou sanctionnées les théories & politiques économiques.
C'est ici que l'on mesure la prospérité ou la ruine d'une nation.

Ricardo dans son interprétation fautive de l'essai d'Adam Smith "Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations" (1776) cherche a justifier les intérêts des marchands en s'attaquant au protectionisme et en évoquant une théorie des "avantages comparatifs" :

"L'importation du blé, interdit par des lois protectionnistes (les « Corn Laws »), semble être une solution à la restauration des profits (Essai sur l'influence des bas prix du blé sur les profits du capital). De fait, un lobby de filateurs britanniques, l'Anti Corn Laws League, obtiendra leur abrogation en 1846.

Ricardo avance aussi la théorie de « l'avantage comparatif » : à savoir que chaque nation a intérêt à se spécialiser dans la production où elle possède l'avantage le plus élevé ou le désavantage le moins prononcé vis-à-vis des autres nations." (1)

Mais pour vérifier si ces idées sont justes il faut un repère technique ou indicateur, une balance commerciale qui puisse déterminer si la nation sort gagnante ou perdante - n'en déplaise aux adeptes illuminés du mythe de l'échange commercial gagnant-gagnant - au cours d'une période déterminée d'un ensemble d'échanges commerciaux (produits bruts ou manufacturés, services ou actifs financiers, etc.).

Or cet indicateur c'est le solde de la balance commerciale qu'il soit
en excédent ou en déficit.

On comprend dés lors la gène des Antoine Belgodère et autre Ab, partisans échevelés d'une économie sans indicateurs et sans objet politique ; d'un ensemble d'échanges qui ne trouverait sa justification qu'en lui-même... débarrassé de toute astreinte politique, voir scientifique.
Pour ceux-ci reconnaitre que le déficit commercial ait des conscéquences réelles, qu'il aboutirait à l'appauvrissement de la nation voir à son endettement ou sa ruine, serait une remise en cause si fondamentale de la doctrine du libéralisme auto-régulateur et de la main invisible des marchés comme "loi naturelle" de l'économie qu'elle en est inacceptable.

Dire que le deficit commercial n'est pas "pénalisant" pour une nation donnée et pour une peridode déterminée c'est bientot dire que l'indicateur de balance commerciale en lui-même n'a aucune valeur et enfin, apres avoir cassé le thermometre, prétendre que les échanges formant un tout mondial ; qu'il s'agit d'un équilibre général dont les crises et déséquilibres ponctuels représentent les signes du dynamisme... ou mieux encore souligneraient des "réajustements" nécessaires !

Mais finalement pour nous "les anti-modernistes" la question reste classique : le liberalisme est-il supérieur au protectionisme raisonné pour assurer la prospérité nationale ? Les emplois délocalisés en Chine seront-ils compensés par les profits marchands en France ? L'importationisme en vogue depuis les années 80 serait-il responsable du déficit abyssal du budget national aujourd'hui ?

Et finalement quel est l'intérêt pour le peuple francais d'adopter une mode commerciale qui le ruine et remet en cause l'équilibre social et la liberté démocratique elle-même par la désorganisation progressive (en théorie comme en pratique) de l'action publique ?